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Glyphosate : les agriculteurs pas prêts pour l’après

Une enquête inter-instituts auprès de plus de 10 000 agriculteurs français montre que plus des trois quarts n’ont pas encore de solution pour l’après glyphosate.

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Durant l’été 2019, une enquête inter-instituts (Acta, Arvalis, Fnams, ITB et Terres Inovia) a été menée en ligne auprès des agriculteurs afin de connaître leurs avis, interrogations et perspectives face à l’interdiction du glyphosate. 10 183 réponses ont été enregistrées, dont 7 677 complètes. Arvalis a présenté les résultats dans un communiqué, le 22 avril dernier.

Deux principaux scénarios d’utilisation

94,8 % des répondants en utilisent, ponctuellement ou régulièrement, pour répondre notamment à quatre problématiques majeures : la lutte contre les vivaces, la destruction de repousses ou annuelles en interculture courte d’été, ou en interculture longue, et l’entretien des bords de ferme.

Les agriculteurs en système labouré apparaissent comme des utilisateurs ponctuels (1 année sur 3), sur des surfaces limitées (moins de 50 %) mais à des doses plus élevées et variables selon les usages (jusqu’à 5 1/ha). Ces derniers bénéficient de l’effet « désherbage » du travail du sol. A contrario, en non-labour, l’usage de glyphosate est plus fréquent (tous les ans), sur toute la surface, mais à des doses plus faibles (environ 1 l/ha, encore moins en interculture d’été).

« Pas de solutions novatrices à court terme »

À l’été 2019, soit un an et demi avant l’interdiction du glyphosate en France, 77,5 % des répondants ne savaient pas encore comment ils allaient « gérer leurs problématiques sans glyphosate ». Parmi les interrogés, 352 n’utilisent déjà plus de glyphosate. Si certains sont en agriculture biologique, ou en cours de conversion (40 %), la majorité est en système conventionnel.

Selon le rapport, « les leviers agronomiques identifiés chez ces répondants non utilisateurs de glyphosate sont multiples et montrent bien l’intérêt de la combinaison de leviers ». 84 % pratiquent le faux semis, 69,3 % implantent des intercultures, 69,1 % ont recours au travail profond type labour et 67,7 % allongent leur rotation. Pour les utilisateurs de glyphosate qui estiment qu’ils vont devoir s’adapter (22,5 % du panel total), les premiers leviers à activer sont les suivants : l’allongement de la rotation (58,6 %), faire plus de faux semis (84 %), augmenter la fréquence de labour (54,7 %) et modifier les programmes herbicides, sans les supprimer (76,1 %). Le désherbage mécanique n’est pour sa part pas jugé pertinent.

« Il n’y a donc pas de solutions novatrices à court terme pour compenser l’absence de glyphosate », signale le rapport. Le recours accru au travail du sol, au-delà du labour, apparaît comme indispensable, mais 70 % des agriculteurs interrogés devront se rééquiper.

Une « balance bénéfice/risque » non établie

« Les inquiétudes sont importantes et mettent en évidence des soucis sur la viabilité d’exploitation ou de systèmes tels qu’ils sont menés aujourd’hui (comme les systèmes en agriculture de conservation, vertueux sur de nombreux sujets mais dépendant étroitement de l’utilisation du glyphosate) », souligne le rapport. Les conséquences seront lourdes : agronomiques, environnementales et économiques. « Finalement, la balance bénéfice/risque de ce retrait n’a pas été établie. »

Les agriculteurs ont également pointé des incohérences : l’intensification du travail du sol est incompatible avec les objectifs nationaux de réduction du CO2, ou encore la concurrence déloyale des importations de pays où le glyphosate ne serait pas interdit.

« Le glyphosate n’est pas un herbicide comme un autre. Son interdiction annoncée provoquera une rupture qui n’a pas pu être anticipée et dont les conséquences sont majeures pour les exploitations utilisatrices », conclut le rapport.

Lucie Petit

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